Quelle est la pertinence et l’importance de prendre en compte la dynamique de l’adaptation épousée par les communautés et comment l’intégrer dans la Contribution déterminée au niveau national (CDN) mais aussi tout ce qui est Plan national d’adaptation ? Comment avoir une vue globale de la situation de la gouvernance climatique au niveau du Sénégal, quels sont les défis auxquels les acteurs sont confrontés, les obstacles, les opportunités par rapport à l’action climatique ?
C’est au tour de ces interrogations que Enda Energie, en collaboration avec l’Institut de recherche sur les politiques en Afrique, en anglais : Africa policy research institute (APRI) organise, dans le cadre de la « Semaine climat et Energie » de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Enda Energie à Saly (Mbour) un atelier multi-acteur de partage des résultats du projet sur l’adaptation dirigée localement avec pour thème : « Adaptation au changement climatique au Sénégal : stratégies, initiatives et pratiques : Enjeux et orientations au Sénégal ».
A cet effet, APRI lance un rapport basé sur une étude complète de l’adaptation locale à travers le Sénégal. Dans le dessein de soutenir le Sénégal dans la gestion des défis de mise en œuvre des CDN et intégrer les besoins des communautés en termes d’adaptation dirigée localement, APRI, en étroite collaboration avec Enda Energie, a réalisé des recherches sur les politiques d’adaptation au changement climatique, les stratégies et les actions locales dans tout le pays.
APRI a, au cours de l’atelier qui devrait se tenir à Dakar le 3 août 2023, estimé que, pour faire avancer les solutions climatiques axées sur les priorités et les besoins spécifiques du pays et qui sont cohérentes avec les pratiques d’adaptation endogène, les experts ont échangé sur les résultats de la recherche, examiné les lacunes dans la mise en œuvre des politiques climatiques et d’autres cadres et stratégies nationaux et locaux afin de mieux comprendre les défis et les opportunités par rapport à l’action climatique.
De l’avis du Dr Grace Mbungu, responsable du programme changement climatique à APRI, « le rapport présente les résultats des recherches sur les politiques d’adaptation au changement climatique, les stratégies et les actions locales au Sénégal et particulièrement en Afrique de l’Ouest. Il met en évidence les stratégies d’Adaptation dirigée localement (ADL), les pratiques et les enseignements qui peuvent informer et guider la mise en œuvre des CDN et des actions climatiques au niveau local et national ».
« La mise en œuvre du projet s’est appuyée notamment sur trois méthodes à savoir l’examen et l’analyse de documents pertinents tels que les CDN, le Plan national d’adaptation (NAP), les politiques d’adaptation, la planification des politiques nationales et locales de développement, la gouvernance climatique, l’adaptation dirigée localement… en vue de cartographier les initiatives nationales d’action climatique en mettant l’accent sur la conception et la mise en œuvre des CDN à travers la perspective de l’adaptation dirigée localement ; la consultation des parties prenantes à différentes échelles et catégories d’acteurs y compris des deux ateliers de consultation et de partage avec les parties prenantes et enfin, l’analyse approfondie axée sur les secteurs d’adaptation prioritaires clés comprenant, dans un premier temps, la sécurité alimentaire dans le village intelligent face au climat de Daga Birame, dans un second temps, le projet REVARD sur le contrôle de l’érosion côtière sur l’île de Dionewar, dans un troisième temps, l’initiative de Système d’alerte précoce (EWS) de Widou Thiéngoly concernant l’atténuation des impacts sanitaires des vagues de chaleur et dans un quatrième temps, l’analyse qualitative des données et des informations collectées avec toutes les méthodes appliquées », a renchéri la responsable du programme changement climatique à APRI.
Mais le rapport fait ressortir quelques lacunes, selon un document transmis à la presse. D’après ce document, « les options d’adaptation pour les secteurs prioritaires n’intègrent pas encore suffisamment les pratiques et stratégies d’adaptation dirigée par les communautés locales. Derrière cette faible intégration des besoins d’adaptation dirigée par les communautés, se trouvent d’énormes obstacles liés au financement. Le fait que la gouvernance climatique peine à être décentralisée ou intégrée au niveau territorial est également une contrainte significative ».
Pour sa part, le responsable climat et transition systémique à Enda Energie a confirmé que « les besoins de financement pour mesures d’adaptation au changement climatique associées aux CDN (14,5 milliards de dollars d’ici à 20230) dépassent les capacités du budget national et dépendent largement de la contribution des partenaires techniques et financiers (12,725 milliards de dollars). Ainsi, les incertitudes quant à la mobilisation des fonds climatiques compromettent non seulement les engagements du Sénégal pour lutter contre le changement climatique et accéder au financement pour que les communautés puissent mettre en œuvre leurs stratégies et pratiques locales d’adaptation, mais aussi la méthode de gouvernance climatique. Le défi du financement climatique souligne la nécessité de mobiliser des ressources internes pour soutenir les actions climatiques à long terme ».
En outre, Samba Fall a relevé qu’au Sénégal, divers acteurs s’engagent dans des actions climatiques, notamment des agences et des directions techniques du gouvernement, des ONG, le secteur privé, des organisations académiques et internationales. Ces parties prenantes mettent en œuvre un éventail de politiques, de pratiques et de stratégies visant à relever les défis du changement climatique. Ces parties prenantes partagent de plus en plus le point de vue selon lequel la mise en œuvre sur le terrain des actions d’adaptation au niveau sous-nationaux reste insuffisante.
En somme, a-t-il conclu, les résultats des trois études de cas dans les zones de Daga Birame, Dionewar et Widou Thiéngoly sur l’adaptation dirigée localement pour les secteurs prioritaires des CDN tels que l’agriculture, les zones côtières et la santé montrent que les impacts du changement climatique sur les systèmes de production, les moyens de subsistance et le bien-être social sont les principales sources de motivation pour les communautés de s’engager et de se mobiliser en faveur de l’action ou de la gouvernance climatique. Cette prise de conscience et cet engagement constituent la base d’actions réussies d’adaptation efficaces et durables.
A signaler que, dans le dessein de fournir des réponses plus intégrées, efficientes et durables aux défis climatiques, l’Etat du Sénégal a mis en place un cadre harmonisé d’actions entre le Plan Sénégal émergeant 2035, les Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 et les CDN 2030. Ce cadre prend en compte l’adaptation dans la planification des politiques de développement économique et social, notamment par le développement et la mise en œuvre de plans nationaux d’adaptation pour des secteurs prioritaires tels que l’agriculture, les zones côtières et la santé.
Moctar FICOU / VivAfrik